Roman

Kairo

Article rédigé par Ariane Tapinos

Kiyoshi KurosawaTraduit du japonais par Karine ChesneauÉd. Picquier poche, [2002] 2004, 255 pages7,50 €À partir de 15 ans

Michi et Ryôshuke ont tout deux une vingtaine d’années et vivent à Tokyo. Ryôshuke est étudiant en économie. Michi, quant à elle, travaille dans une petite société de vente de plantes par correspondance. Ils ne se connaissent pas, mais l’un comme l’autre sont confrontés à des phénomènes étranges et inquiétants. "Quelque chose" est en train d’arriver dans le monde. Des gens disparaissent, réapparaissent et se suicident. Des écrans d’ordinateurs sont identiquement entourés de ruban adhésif rouge. Des questions affleurent : Où vont les morts quand ils sont morts ? Que se passerait-il si, lassés d’être parqués pour et dans l’éternité, les morts décidaient de reprendre leur place dans le monde des vivants ? À la place des vivants ? Au cours de cette quête, Michi et Ryôshuke vont se rencontrer, mais n’est-ce pas déjà trop tard ?Roman fantastique qui flirte avec l’épouvante, l’ouvrage de Kiyoshi Kurosawa, écrivain et cinéaste, est pourtant un extraordinaire (à la fois remarquable et délirant) témoignage sur le Japon d’aujourd’hui. On y perçoit les angoisses d’une société marquée par la possibilité de la fin de l’espèce humaine après l’expérience de la bombe atomique. On y suit quelques jeunes Japonais dans les quartiers de Tokyo ou jusqu’aux contreforts du mont Fuji, dans un quotidien à peine modifié par les bouleversements souterrains du monde. Kurosawa réussit à créer un univers à la fois envoûtant et terrifiant. On est comme aspiré par son récit, un peu comme lorsqu’on regarde, presque malgré soi, un film dont on sait qu’il va nous faire peur. À l’instar du magnifique roman de Stanislas Lem, Solaris, Kairo nous interroge sur la finitude de l’existence humaine. Kurosawa mêle à ses interrogations un brin d’ironie qui donne un peu de distance et rend cette plongée dans l’irrationnel un peu moins éprouvante.